Extrait de Mysteries of the dark moon, de Demetra Georges
" Pour les Grecs, la Destinée était le sort que connaissait chaque humain et était personnifiée par les trois Filles les plus puissantes de Nyx, Déesse de la Nuit Primordiale, les Moires. Dans sa forme « unique », la Déesse du Destin était appelée Moïra mais dans sa triple forme, les trois Sœurs, les Moires, sont connues sous le nom de Klotho (Celle qui file, qui tisse la destinée), Lachesis (Celle qui mesure, qui équilibre) - note perso : en homéopathie, remède préparé à partir du venin de serpent - et Atropos (Celle qui coupe – le fil de la vie). Le nom Moïra signifie « part » et fait référence aux trois parts de la Lune et au concept que la vie humaine contient trois périodes distinctes. En tant que symbole lunaire, les trois Moires correspondent aux trois phases de la Lune, aux trois saisons de l’année (printemps, été & hiver) ainsi qu’aux trois stades de la vie humaine.
En tant que Tisseuses des destinées, ces trois Déesses tissent le fil de la tapisserie de nos vies. Ce sont Elles qui décident de la longueur du fil. Klotho tire le fil de la vie, qu’Elle tend ensuite à Lachesis qui, Elle, mesure le fil et assigne une Destinée à chacun. Atropos, l’Inévitable – Celle qui ne peut être détournée – est Celle qui coupe le fil de toute vie au moment de la mort. Comme la destinée de chacun est tissée, elle est irrévocable et ne peut être altérée. La longueur de la vie et le temps de la mort sont une part du motif tissé par les Moires.
Les Déesses de la Destinée sont une trinité plus vieille que le temps. À Athènes, l’archaïque Grande Déesse de l’amour Aphrodite était appelée « la plus ancienne des Moires ». Robert Graves fait remarquer qu’Aphrodite Urania était la Déesse Nymphe à qui l’on sacrifiait le Roi sacré au solstice d’été dans les temps anciens. Des hymnes funéraires grecs, abandonnant le mort aux soins d’Aphrodite, sont connus sous le nom de Moirologhia, invocation aux Destinées.
Dans les poèmes plus tardifs, les Moires sont dépeintes comme des femmes sévères, inexorables, vieilles et hideuses, vêtues de noir et quelques fois assises aux pieds d’Hadès. Pourtant, les images les plus anciennes les décrivent habitant des sphères célestes, vêtues de robes aux motifs d’étoiles et portant des couronnes sur leur tête, elles sont assises sur des trônes radiant de lumière. Orpheus chantait les Moires comme vivant près d’une source d’eau blanche jaillissant dans une grotte. L’image de la lumière lunaire indiquant leur nature lunaire.
La fonction des Destinées étaient de voir à ce que l’ordre naturel des choses soit respecté. Elles siégeaient dans les assemblées des Dieux et possédaient le don de la prophétie. Elles étaient grandement honorées en Grèce et en Italie avec des offrandes de fleurs et de miel, parfois quelques agnelles leur étaient sacrifiées. À Rome et à Sparte, elles avaient des temples et des autels.
Comme la phase sombre de la Lune, qui est symbole de transition entre la mort et la naissance, la grande triade des Moires était associée avec les trois moments décisifs d’une vie – le début et la fin, naissance et mort, en passant par le mariage, sa 3ème grande saison.
Accompagnant Ilithye, Déesse de la Naissance, les Moires vont au berceau de chaque nouveau-né pour déterminer le destin de l’enfant et répartir sur sa vie leurs lots de bien et de mal. Le folklore et les contes de fées parlent des offrandes faites aux bonnes fées en faveur de l’enfant. Quand une personne se mariait, les Destinées étaient invoquées afin que l’union soit heureuse ; et lorsque la fin de la vie approchait, les Moires venaient en couper le fil.
Un individu qui tentait de changer son destin était puni pour avoir essayer d’outrepasser les limites déterminées par les Moires. Mépriser le destin ou avoir une arrogance excessive et fière envers les Dieux c’était provoquer la colère de Némésis, qui punissait justement les crimes de cette nature. Une des quelques très rares exceptions fut Apollon, alors jeune Dieu, qui mena les Moires à l’ivresse tour à tour pour sauver la vie de son ami Admetus. La plupart du temps, il est dit que même Zeus craint les Destinées qui agissent fréquemment contre sa volonté. Il est impuissant face à Elles et Il est lié par leurs décisions. Le pouvoir des Moires est plus ancien que Zeus. Leur existence ancienne est une part de l’ordre véritable de l’Univers lui-même. Les poètes les plus tardifs nomment Zeus « Maître des Destinées » lorsqu’Il assume la souveraineté suprême, mesurant lui-même la vie des hommes, informant les Moires de ses décisions et sauvegardant ce qu’Il lui plait. Pour que Zeus assimile les pouvoirs des Destinées, les Moires deviennent ses filles, nées de son union avec Thémis qui est le principe de la loi, de l’ordre et de la justice dans le monde. Une autre version de ce mythe fait des Moires des gardiennes du mariage venues bénir l’union de Zeus et de Thémis.
De nombreuses cultures ont en commun la notion que la vie est un fil sacré que font tourner une trinité de Déesses qui sont les Tisseuses du Destin. Dans la littérature anglo-saxonne, le destin est une toile tissée. En latin « destino » (destinée) signifie « tissé, fixé par des fils, lié ». Le destin est obligé à se produire, tout comme les sorts des Femmes Fées sont irrévocables. Les trinités du Destin reflètent la triade Vierge, Mère et Ancienne, qui dirige le passé, le présent et le futur, et symbolise les aspects de création, préservation et destruction de la Grande Déesse.
Les couleurs des Destinées sont le blanc, le rouge et le noir. Les mystiques Indiens appellent le fil de la vie « gunas » ou « brin ». Le blanc pur de la Vierge est « sattva », le rouge royal de la Mère est « rajas » et le noir funèbre de la Vieille est « tamas ». Ces couleurs symbolisent le progrès de la vie dans la nature, de la lumière aux ténèbres.
La grecque Moïra était connue des Romains sous le nom de Fortuna, chez les Scandinaves c’étaient les Nornes qui filaient la Destinée, pour les Anglo-saxons Wyrd et pour les Celtes Morrigan. À Rome, la Déesse Fortuna contrôlait la destinée de chaque commencement humain, ce n’est que plus tard que son rôle a dégénéré en Dame Chance à la roue de fortune invoquée pour les jeux de hasard. Dans les croyances scandinaves, les trois sœurs connues sous le nom des Nornes (Urd, Verdandi et Skuld) siègent au pied de l’Arbre du Monde et sont les Destinées qui dirigent chaque vie. Elles sont les plus puissantes de toutes les Déités et personne, pas même les Dieux, ne peut aller contre leurs décisions. Les sœurs Wyrd sont trois sorcières chantant au-dessus d’un chaudron dans Macbeth de Shakespeare. Elles sont les descendantes directes de la Déesse anglo-saxonne de la destinée, Wyrd, dont les mots sont des lois inchangeables. À travers les Âges Sombres, les sœurs Wyrd ou les trois fées ont été invitées dans la maison des nouveaux-nés pour distribuer la bonne fortune sur l’enfant ; on leur offrait alors un festin avec trois couteaux à leur intention. Dans le conte de La belle au bois dormant, lorsque la 3ème fée (la 13ème dans certaines versions) n’est pas invitée à la célébration de la naissance, elle jette une malédiction sur la jeune princesse qui se piquera sur une roue à filer (roue des Destinées) ; le royaume sombrera alors dans un profond sommeil. La Déesse celtique Morrigan (Ana, Babd et Macha), connue sous le nom de Dame Mort et la Fée Morgane (Fata Morgana, Morgan Le Fey) qui en dérive, jette un sort destructeur sur les hommes. "