Extrait de Médée,d’Euripide
Traduit et adapté de l’anglais par Tsukimi.
Il remonte vers sa source, le courant de la rivière qui jamais ne cesse de couler:
La vie même est changée, et ses lois renversées
L’homme sera l’esclave, l’être humble et craintif
Car l’homme a oublié sa propre nature
Et la femme – oui ! – l’histoire en dira des choses terribles:
Les récits seront bien différents de ceux d’antan,
Car de la femme exsude une peur
Et une gloire,
Les voix haineuses ne l’accableront plus.
Les vieux bardes se tairont,et tout ce qui restera
Des souvenirs de fiancées fragiles et infidèles
Se flétrira, racorni par le feu !
Car ils ne nous aimaient pas, et ne nous connaissaient pas : et nos lèvres étaient muettes
Nos doigts
Ne pouvaient éveiller le secret de la lyre.
Au fil des âges, nous avons chanté,au milieu de ses colères,
Un long récit sur l’homme et tous ses actes,bons ou mauvais ;
Mais la terre âgée sait, et c’est le fruit
De tous les âges du monde -
Que lorsque s’achève le règne de l’homme,le monde nous appartient encore.
Qu’elles viennent à toi maintenant, encore et encore,
Les interminables danses
A travers l’obscurité, jusqu’à ce que s’évanouisse la pâleur des étoiles.
Sentiras-tu la rosée sur ta gorge, et le souffle
Du vent dans ta chevelure ? Tes pieds blancs luiront-ils
Dans les sombres étendues ?
C’est pour tout cela que nos pareilles ont fui dans la forêt,
Cherchant la solitude parmi la beauté verdoyante
Là, elles ne sont plus des proies et ne vivent plus dans la crainte,
Là, les collets ne sont plus sur leur chemin, et nul ne les met aux abois,
Et pourtant retentit dans le lointain,
L’émergence d’une voix et d’une peur, un empressement de chiens ;
Alors l’équipage en furie, déchaînant toutes ses forces
Remonte le fleuve et la vallée,
Dans une terreur joyeuse, sur des pieds rapides comme la tempête
Vers les terres aimées et désertes que l’homme n’a pas foulées,
Où nulle voix ne crie, et où,dans la verdoyance,
Les créatures des bois vivent sans être vues.
Quoi de plus sage ? Que dire de la grâce divine atteinte,
si somptueuse et si grande ?
Elaborer,à partir de la peur libérée, une danse, rire et attendre ;
Elever une main au-dessus de la haine
Et savoir que la beauté est à jamais libre.
Car c’est là qu’on découvre un dieu sauvage,
Un dieu couronné de lierre
Et la blessure du lierre
Orne les férules que portent ses suivantes,
Et les serpents font entendre leurs chants
Dans les labyrinthes de leurs cheveux ;
La route qui s’étend devant est fourchue,
Et ses deux embranchements sont justes ;
Connais-toi et sois en sécurité demain ;
Perds-toi et sois libre ce soir !